Mission Costa Rica de la Fondation Un Cœur

Du 13 au 24 juin 2015, la Fondation Un Cœur a mené une mission au Costa Rica en collaboration avec l’association vétérinaire Yaboumba. Une équipe formée de 11 vétérinaires est partie dans ce pays extraordinaire qui possède à lui seul 6 % de la biodiversité mondiale. Le Costa Rica représente la première nation du monde à avoir constitutionnellement supprimé son armée. Son modèle de développement donne la priorité à l’éducation, la santé et la protection de l’environnement. Plus de 25 % du territoire est occupé par des parcs nationaux et des réserves.

Nos vétérinaires sont allés à la rencontre de leur confrère le Professeur Mauricio Jiménez Soto de l’Ecole Vétérinaire de l’Université Nationale du Costa Rica. Ensemble ils ont travaillé pour découvrir et étudier le cœur des paresseux, organisé des conférences à l’Université de San José et enfin, aidé d’autres confrères locaux sur des cas cliniques difficiles.

Première volet : Etude cardiologique des Paresseux

Les paresseux sont des mammifères arboricoles d’Amérique tropicale. Ils présentent un mode de vie original : ils sont presque toujours suspendus à l’envers dans les arbres et se déplacent avec lenteur. Ils possèdent de longues griffes. Les paresseux de la famille des Bradypodidae sont aussi appelés « aïs » (nom venant de leur cri), chacun de leurs membres se terminant par trois doigts griffus, ce qui les distingue des « unaus », de la famille des Megalonychidae, dotés de deux griffes à chaque main.

Bradypus variegatus (Xenarthra, Bradypodidae) et Choloepus hoffmanni (Xenarthra, Megalonychidae) sont des espèces réparties dans la forêt tropicale humide des régions Caribéennes et Pacifiques du Costa Rica. Ces deux espèces sont menacées principalement par la déforestation, l’agriculture et l’augmentation de l’activité humaine. A cause de cette nouvelle proximité avec les humains, les paresseux sont de plus en plus détenus comme “animaux de compagnie” par les populations locales. Le Costa Rica possède de nombreux paresseux en captivité dans des zoos ou des centres de sauvegarde, essentiellement à des fins pédagogiques.

Les paresseux intriguent les scientifiques de part leur physiologie si particulière, et leur comportement. Ils sont donc très étudiés, dans leur environnement et en laboratoire. Cependant, contrairement aux fourmiliers et aux tatous pour lesquels il existe une littérature médicale abondante, il n’y a que très peu de publications concernant les paresseux. Plus précisément, en ce qui concerne l’appareil cardiovasculaire, quelques rares publications ont pu être trouvées sur PubMed (Site de référencement des publications scientifiques). La plupart d’entre elles concerne l’électrocardiographie et la pression artérielle systémique mais aucune l’échocardiographie. Pourtant, l’échocardiographie est l’examen le plus communément utilisé en médecine vétérinaire pour explorer, de manière non-invasive, la morphologie et le fonctionnement du système cardiovasculaire chez les animaux de compagnie ou sauvages. Le but de ce projet a donc été, en collaboration avec l’Université Vétérinaire de San José, de mener une étude pilote en échocardiographie chez les paresseux.

En raison de l’anatomie si particulière de la cage thoracique des paresseux, de leur métabolisme très bas et du fait qu’ils passent la majeure partie de leur temps suspendus aux branches, la tête en bas, Il paraissait pertinent d’étudier la morphologie et le fonctionnement de leur système cardiovasculaire par échocardiographie. De plus, lors de l’utilisation d’une nouvelle technique dans une espèce donnée, sa fiabilité doit être évaluée en analysant la reproductibilité et la répétabilité des mesures effectuées. Les objectifs de cette étude cardiologique chez les paresseux furent ainsi :

– d’évaluer la faisabilité de l’échocardiographie par voie transthoracique,

– de rapporter des données échocardiographiques sur un petit groupe d’animaux jeunes et adultes,

– d’analyser la variabilité intra-jour (répétabilité) et inter-jour (reproductibilité) des mesures échocardiographiques transthoraciques réalisées chez des animaux adultes.

Les animaux inclus dans cette étude provenaient de deux centres de sauvegarde : Costa Rica Animal Rescue Centre (www.costaricaanimalrescuecenter.org) et Kids SavingThe Rainforest (kidssavingtherainforest.org). Les deux espèces représentées étaient Bradypus variegatus (Xenarthra, Bradypodidae) et Choloepus hoffmanni.

Tous les animaux ont été anesthésiés avec succès selon un protocole innovant, utilisant une association de produits ayant très peu d’effet sur la fonction cardiovasculaire. Ce protocole de sédation, jamais décrit auparavant chez les paresseux, a ainsi prouvé son efficacité et sa sécurité, pouvant être ainsi facilement utilisé sur le terrain. Une fois endormis, les animaux ont bénéficié d’un examen clinique complet. Une auscultation cardiaque a été réalisée. La présence de toute anomalie cardiaque a été notée. La fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la température corporelle mesurée à l’oreille, ont été prises toutes les 5 minutes pendant toute la durée de la sédation.

Tous les examens échocardiographiques ont pu être effectués chez les animaux des deux espèces, jeunes et adultes. Aucune anomalie échocardiographique n’a été observée chez les adultes. En revanche, une malformation cardiaque rare (jamais décrite chez les paresseux) a été décelée chez un bébé paresseux de 3 mois. Ce dernier bénéficie à présent d’une attention particulière. Notre équipe de vétérinaires reste en contact avec leur consœur du centre pour avoir régulièrement des nouvelles.

Tous ces résultats feront l’objet de communications et publications scientifiques.

Deuxième volet : Conférences à l’Ecole de Médecine Vétérinaire, Université Nationale du Costa Rica (San José).

Ces conférences ont été organisées sous la forme d’un congrès de deux jours destiné aux étudiants vétérinaires et aux praticiens locaux, par le Pr. Mauricio Jiménez Soto. En voici le programme et les intervenants.

      • Actualités sur la maladie valvulaire dégénérative mitrale du chien : conséquences, complications, importance de l’imagerie écho-Doppler (Pr. Valérie Chetboul)
      • Myocardiopathie hypertrophique chez le chat (Dr. Vassiliki Gouni)
      • Médecine et chirurgie des Amphibiens (Dr. Norin Chai)
      • Médecine des Reptiles (Dr. Norin Chai)
      • Médecine des Primates. (Dr. Norin Chai, Dylan Duby)
      • Contention et anesthésie des animaux de zoo et de faune sauvage (Dr. Norin Chai)
      • Présentation de missions de recherche internationales en faune sauvage (Drs Norin Chai & Laurie Virolle)
      • Chirurgie des Oiseaux (Norin Chai)
      • Standardisation de l’échocardiographie chez les Ophidiens (Pr. Valérie Chetboul)
    • Travaux pratiques d’échocardiographie (Pr. Valérie Chetboul et Dr. Vassiliki Gouni)

Troisième volet : aider les confrères costaricains sur des cas cliniques difficiles.

 
Chirurgie du bec chez un Ara

Un jeune ara macao (Ara macao) a été présenté à notre équipe de vétérinaires au centre de sauvegarde Kids Saving the Rain Forest avec une déviation du bec et un prognathisme vraisemblablement d’origine traumatique. Une chirurgie correctrice a été entreprise en utilisant l’association d’une prothèse en polyméthacrylate pour avancer le maxillaire et une broche transfrontale pour corriger la déviation du bec.

Infection fongique dans une collection d’amphibiens

Plusieurs rainettes à yeux rouges (Agalychnis callidryas) ont été présentées au centre de sauvegarde de la faune sauvage du parc La Paz Waterfalls Garden en raison d’une mortalité anormale de ces animaux, précédée de symptômes non spécifiques (léthargie, difficultés à se déplacer, amaigrissement), très fréquemment associés à des lésions cutanées ulcératives. A partir des écouvillonnages et des frottis des lésions cutanées, les vétérinaires de la mission ont pu confirmer le diagnostic d’une affection fongique. Les bases du traitement ont ainsi été envisagées en collaboration avec le vétérinaire en charge du centre de sauvegarde de la faune sauvage de La Paz Waterfall Gardens.